Potosi et sa mine d’argent

Par Damien. Click here for Emma’s Potosi. Et le diaporama c’est par là!

La Paz et sa “death road”, Uyuni et son salar, Potosi et sa mine d’argent…

Potosi est presque inévitablement citée par les voyageurs en Bolivie comme une étape incontournable, et pourtant lors de la préparation de notre voyage, on avait Emma et moi le même sentiment de malaise à l’idée de visiter une mine d’argent toujours en activité, où des mineurs (parfois très jeunes) travaillent dans des conditions abominables, risquant leur vie et à coup sûr en réduisant l’espérance.

Historiquement exploitées de force par les peuples indigènes et des esclaves venus d’Afrique, les estimations quant au nombre de morts dans les mines sur quatre siècles varient jusqu’au nombre hallucinant de 9 millions.

Même si la situation aujourd’hui est évidemment moins tragique qu’à l’époque, la mine étant par ailleurs bien moins productive, on avait décidé sans trop tergiverser que Potosi ne serait pas sur notre itinéraire.

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Cerro Rico à gauche, surplombant la ville de Potosi

C’était sans compter sur cette conversation lors de notre tour du salar d’Uyuni avec notre guide Veimar, déclarant fièrement qu’il a travaillé 12 ans dans la mine, commençant dès l’âge de 7 ans pour aider régulièrement son père, en triant des roches extraites les précieux minerais des autres sans valeur. Il nous raconte que les mineurs aiment croiser les touristes, qui leur apportent des boissons, des feuilles de cocas à mâcher, ou de la dynamite. On avait déjà entendu l’histoire des cadeaux apportés par les visiteurs, mais cette-fois, racontée du point de vue d’un mineur, l’effet est différent. Par ailleurs, bizarrement aucun mauvais sentiment ne semble se refléter dans son regard lorsqu’il évoque ce passé qu’on devine incroyablement difficile. Voire au contraire un étonnant semblant de nostalgie. “Si vous n’avez pas visité la mine de Potosi, vous n’avez pas visité la Bolivie”. Cette dernière déclaration termine de nous convaincre, et nous sommes désormais curieux de découvrir cet univers sombre et la réalité de ce travail de mineur de nos jours.

Potosi just after a thunder storm

Après un orage en fin de journée – photo non retouchée!

Nous arrivons donc à Potosi, du mot Quechua signifiant “tonnerre”, et c’est d’ailleurs des orages généreux de grêles qui nous accueillent. Perchée à 4100m, c’est la plus haute ville moderne du monde, fondée au pied du réservoir d’argent aussi précieux que mortel, le Cerro Rico (montagne riche).

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On s’empresse donc de réserver une visite de la mine auprès de la compagnie “Big Deal” conseillée par Veimar, qui comme la plupart des agences offrant ce tour est tenue par d’anciens mineurs, formés en anglais et convertis en guides touristiques.
On fait donc la rencontre de notre guide Pedro, dont le visage s’illumine lorsqu’il apprend qu’Emma est irlandaise, ne manquant pas de nous accueillir le lendemain au départ du tour avec un T-shirt spécialement choisi pour l’occasion.

Getting ready to go into the mine with an Ireland-obsessed Pedro

Getting ready to go into the mine with an Ireland-obsessed Pedro

On commence par visiter une usine chimique où l’argent est extrait des roches, sans rentrer dans les détails du procédé et c’est tant mieux, mes cours de chimie n’étant désormais qu’un lointain souvenir.

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Damien and I ready to explore!

Damien and I ready to explore!

Une fois “déguisés” en mineurs, on est conduit à l’entrée d’une des 400 mines que l’on pénètre en toute confiance, en notre guide et notre capacité physique, puisqu’on n’est pas claustrophobe… Ou alors on ne le savait pas, car au bout d’une heure de marche, l’air raréfié et de plus en plus poussiéreux, lors d’un passage très étroit, progressant difficilement accroupis sur des dizaines de mètres, Emma panique et peine à respirer, dans ce qui ressemble fortement à une crise de claustrophobie.

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Heureusement le tunnel s’élargit enfin, et Emma reprend son souffle, alors que nous allons faire la rencontre avec El Tío, le dieu/diable Quechua de la mine. Chaque mine possède en effet une statue plus ou moins élaborée d’un diable, en érection car c’est lorsqu’il copule avec Pachamama, la terre-mère, que les précieux minerais sont produits… On le craint autant qu’on le vénère, puisqu’il portera chance dans la découverte de minerais, mais peu aussi provoquer accidents et malchance. Des feuilles de cocas, cigarettes et autres bouteilles d’alcool (à 96%, l’alcool typique bu par les mineurs) lui sont donc offertes, avant de pouvoir continuer à creuser en toute quiétude.

El Tío, the lord of the underworld

El Tío, the lord of the underworld

On croise pendant nos 2H30 dans les tunnels de nombreux mineurs, l’un d’entre eux probablement âgé d’à peine quinze ans, et malgré la difficulté apparente et leur extrême fatigue après plus de 10H dans la mine pour la plupart, on ne ressent pas ce malaise éprouvé lors de nos recherches à l’idée de visiter cette mine. De larges sourires nous sont adressés, on nous demande d’où on vient, et les mineurs eux-mêmes nous demandent de poser pour une photo, ravis de croiser quelques “gringos”.

A laden push-cart in the mine

Pedro, mâchant une énorme quantité de feuilles de cocas, nous confie à quel point il se sent bien dans la mine, travaillant parfois volontairement pour aider ses frères, au milieu de cette franche camaraderie des mineurs, dont la bonne humeur semble impérative pour oublier les conditions difficiles.
Il nous peint cependant une image tout autre de la condition de mineur en Bolivie. Le mineur travaille pour lui, aux horaires qu’il choisi, et vend directement la roche extraite à la coopérative, au prix fixé par le cours de l’argent et en fonction de la qualité du minerai. Un mineur gagnerait plus que les policiers et la plupart des fonctionnaires. Il nous raconte les histoires de nombreux mineurs devenus millionnaires, et minimise la dangerosité du métier. Quatre à dix mineurs meurent chaque année nous informe-t-il, alors que chaque jour 10 000 mineurs travaillent au Cerro Rico. Il met en parallèle les quantités d’accidents domestiques divers, et déclare se sentir plus en sécurité dans la mine que lorsqu’il traverse la rue.

Miners hard at work hand-drilling holes for dynamite

Certains mineurs travaillent toujours avec une simple barre de fer et un marteau

Difficile de savoir la part de vérité de la propagande touristique, faut de chiffre officiel sur les accidents, et encore moins sur les silicoses des poumons à force de respirer cette épaisse poussière, mais il semble en tout cas à l’écoute de Pedro que les mineurs, tout un symbole en Bolivie, jouissent d’un statut relativement “privilégié”, adjectif perdant cependant son sens commun dans ce pays le plus pauvre d’Amérique du Sud.

A suivre, la capitale, Sucre.

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